Préoccupées par l’impact de leurs choix alimentaires, les mères qui allaitent se posent souvent des questions sur l’alcool. Est-il possible d’en consommer pendant l’allaitement ? Comment s’organiser pour que bébé ne boive pas d’alcool dans le lait maternel ?
La consommation occasionnelle et planifiée d’alcool est effectivement compatible avec l’allaitement. À condition de prendre certaines précautions, notamment en évitant de nourrir bébé au sein pendant les heures qui suivent la consommation d’alcool, la mère allaitante peut s’autoriser à boire un verre de vin ou de bière de façon occasionnelle sans que cela ne présente de conséquences négatives sur le développement de bébé.
Après la consommation d’alcool par la mère allaitante, une quantité non négligeable d’éthanol se retrouve dans le lait maternel. Une étude menée en 1991, qui porte sur des quantités d’alcool très faibles ingérées par la mère, montre que de l’éthanol parvient dans le lait maternel à des concentrations allant jusqu’à 32 mg par décilitre de lait(1). Cela signifie qu’un nourrisson qui boit environ 130 ml de lait maternel (l’équivalent très général d’une tétée) peut ingérer une quantité d’alcool pouvant dépasser 40 mg.
Cette quantité semble infime, cependant, comme le montre l’étude, elle produit déjà des effets significatifs sur le comportement du bébé, qui tète plus intensément mais en moindre quantité en présence de lait maternel alcoolisé.
Comment l’alcool ingéré et digéré par la mère se retrouve-t-il dans le lait maternel ? Le processus qui agit ici s’appelle la diffusion passive. L’estomac et l’intestin grêle digèrent d’abord l’éthanol, qui passe ensuite dans le sang. La petite taille des molécules d’alcool leur permet de traverser les membranes cellulaires. Du fait de l’irrigation sanguine importante qui a lieu au niveau des seins pendant la production de lait, l’alcool présent dans le sang parvient jusqu’aux alvéoles lactifères qui stockent le lait maternel, et traversent les membranes des cellules de façon à se retrouver mélangé au lait.
Il faut savoir que l’alcool ne s’accumule pas dans le lait maternel : sa concentration diminue au fur et à mesure de la métabolisation de l’alcool par la mère. Le taux d’alcool dans le lait est généralement assez proche de celui relevé dans le sang maternel.
Oui, dans une certaine mesure, c’est-à-dire avec parcimonie et en veillant à ce que bébé ne reçoive pas d’alcool à travers l’allaitement. Il est envisageable de boire des petites quantités d’alcool au cours de l’allaitement si l’enfant ne consomme pas le lait qui contient de l’alcool. Comme l’alcool est éliminé par l’organisme de la mère, il suffit d’attendre un certain temps avant de redonner le sein à bébé.
Les solutions qui existent sont alors les suivantes :
Allaiter reste bénéfique en cas de consommation d’alcool occasionnelle :
les bienfaits de l’allaitement compensent les risques de passage de l’alcool dans le lait.
Pour protéger le bon développement de bébé, la consommation d’alcool au cours de l’allaitement devrait être réservée à des occasions particulières. La planification de la prise d’alcool permet de mieux anticiper la situation et d’y réagir en conséquence, par exemple en tirant du lait à l’avance.
Le temps d’élimination de l’éthanol dans l’organisme maternel et dans le lait varie selon plusieurs facteurs(2) comme la quantité d’alcool consommée, le poids de la mère ou le taux métabolique personnel. En temps normal, et en estimant la consommation à une unité d’alcool (un verre de bière, un demi-verre de vin, un doigt de liqueur), il est admis que le lait maternel ne contient plus d’éthanol environ 2 à 3 heures après la consommation.
Pour boire occasionnellement un verre d’alcool pendant l’allaitement, la mère peut donc planifier sa prise en fonction des tétées habituelles de l’enfant, en prévoyant du lait tiré à l’avance en recours. Si bébé tète toutes les 4 heures, elle peut consommer un verre d’alcool juste après la tétée et lui redonner la tétée suivante sans risque. Si bébé dort bien en début de nuit, la mère peut s’octroyer un verre de vin en soirée, juste après l’endormissement de l’enfant.
Il s’agit finalement d’une décision qui se prend au cas par cas, en gardant en tête les principes évoqués par rapport à l’élimination de l’alcool.
L’alcool n’est toutefois pas recommandé pendant les premières semaines d’allaitement pour les raisons suivantes :
Il faut bien comprendre que la concentration d’alcool dans le lait maternel dépend directement(4) de la concentration d’alcool dans le sang de la mère. Pour faire baisser la quantité d’alcool dans le lait, il faut permettre à l’alcool de se dissiper de l’organisme maternel.
La meilleure façon d’agir est d’attendre. L’éthanol s’élimine naturellement du système 2 à 3 heures après un verre d’alcool. Cette durée reste influencée par des facteurs personnels et doit être considérée avec précaution.
L’hydratation facilite la métabolisation de l’alcool, bien qu’elle n’accélère pas son élimination. Les mères allaitantes qui ont consommé de l’alcool ont tout intérêt à boire de l’eau pendant les deux heures qui suivent la prise d’alcool.
La prise alimentaire aide à ralentir l’absorption de l’alcool(5) dans l’organisme. Pour limiter la concentration sanguine et lactée d’alcool, il est utile de ne pas boire à jeun et de consommer des aliments en même temps que l’alcool, en particulier des plats qui contiennent à la fois des glucides, des lipides et des protéines.
L’expression et le rejet du lait maternel, appelée « pumping and dumping », n’a pas d’effet sur l’élimination de l’alcool dans le lait ou dans le sang.
L’exposition d’un jeune enfant à l’alcool induit des conséquences qui peuvent être particulièrement graves. L’alcool est d’abord connu pour impacter négativement la qualité du développement moteur(6) du nourrisson, et pour ralentir la croissance du bébé. En effet, les nourrissons qui boivent du lait maternel alcoolisé en consomment généralement en moindre quantité, notamment parce que le goût leur déplaît. Ce phénomène peut induire une alimentation insuffisante et une prise de poids trop faible par rapport à la moyenne.
Cette étude(7) montre par exemple que les nourrissons exposés à l’alcool dans le lait maternel consomment significativement moins de lait durant les 4 heures suivant la prise d’alcool par la mère. Si la mère cesse de consommer de l’alcool, les nourrissons se rattrapent en consommant davantage de lait les 8 à 16 heures suivantes. Cette situation illustre les risques particuliers d’une consommation régulière d’alcool : le bébé ne peut jamais rattraper son retard alimentaire si de l’alcool reste présent dans le lait.
Ensuite, l’alcool dans le lait engendre des troubles du sommeil chez le nourrisson. Pendant les heures qui suivent la consommation d’alcool maternel, les bébés connaissent une durée réduite de sommeil actif(8) par rapport à la normale. Ce constat apparaît également dans d’autres études(9).
Or, le sommeil actif des enfants correspond au sommeil paradoxal des adultes. Présent en proportion plus importante chez les tout-petits, il est essentiel pour la maturation du système nerveux central, la consolidation de la mémoire et l’apprentissage. Si le sommeil actif est régulièrement perturbé à cause de la consommation d’alcool maternelle, le nourrisson peut connaître des troubles du développement psychomoteur et des difficultés cognitives.
Lorsque la mère ne parvient pas à réduire sa consommation d’alcool, il est souhaitable d’engager un dialogue avec un professionnel de santé pour envisager un traitement de sevrage de l’alcool ou une alternative à l’allaitement.
Si un verre d’alcool occasionnel n’engendre pas de sérieux dommages pour la mère qui allaite, une consommation plus régulière est source de différentes problématiques :
En considérant une mère allaitante de taille moyenne (environ 1,60 m) qui métabolise l’alcool à un rythme constant de 15 mg/dl, le temps d’élimination de l’alcool dans le lait maternel selon la quantité d’alcool consommé est proche des données qui suivent.
Les temps indiqués correspondent donc à la durée minimale d’attente conseillée après la prise d’alcool avant de redonner une tétée. Il s’agit d’indications, qui restent influencées par des facteurs personnels comme le métabolisme ou la génétique.
Poids moyen maternel | Unités d’alcool consommées par la mère * | ||||||||
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | |
Entre 40 et 45 kilos | 2h40 à 2h50 | 5h25 à 5h40 | 8h à 8h30 | 10h50 à 11h20 | 13h30 à 14h10 | 16h15 à 17h | 19h à 19h50 | 21h40 à 22h40 | Plus de 24 heures |
Entre 45 et 60 kilos | 2h25 à 2h40 | 4h50 à 5h25 | 7h10 à 8h | 9h40 à 10h50 | 12h05 à 13h30 | 14h30 à 16h15 | 16h55 à 19h | 19h20 à 21h40 | 21h45 à 24h |
Entre 60 et 70 kilos | 2h15 à 2h25 | 4h25 à 4h50 | 6h40 à 7h10 | 8h50 à 9h40 | 11h à 12h05 | 13h15 à 14h30 | 15h30 à 16h55 | 17h40 à 19h20 | 19h50 à 21h45 |
Entre 70 et 80 kilos | 2h05 à 2h15 | 4h05 à 4h25 | 6h05 à 6h40 | 8h10 à 8h50 | 10h10 à 11h | 12h10 à 13h15 | 14h15 à 15h30 | 16h15 à 17h40 | 18h15 à 19h50 |
Entre 80 et 95 kilos | 1h50 à 2h05 | 3h45 à 4h05 | 5h35 à 6h05 | 7h25 à 8h10 | 9h20 à 10h10 | 11h10 à 12h10 | 13h à 14h15 | 14h50 à 16h15 | 16h45 à 18h15 |
* une unité d’alcool équivaut à 10 g d’alcool pur, soit : 25 cl de bière à 5% OU 15 cl de bière forte à plus de 8% OU 5 cl d’apéritif OU 3,5 cl d’alcool fort OU 10 cl de vin.
Retrouvez ici toutes les questions fréquentes que se posent les mamans au sujet de la prise d’alcool pendant l’allaitement.
Il est considéré comme non dangereux(13) de consommer de l’alcool à raison maximale d’une unité par jour, à condition de laisser s’écouler au moins 2 heures avant de donner la tétée à votre enfant. Si votre consommation dépasse la quantité indiquée, référez-vous au tableau indiquant le moment où vous pouvez recommencer à allaiter.
En général, les plats cuisinés avec de l’alcool sont mijotés ou flambés, ce qui permet d’éliminer les molécules d’alcool par évaporation. En revanche, si le plat contient de l’alcool fort (ex : liqueur) ou que l’alcool a été rajouté après cuisson, il est préférable de considérer que vous consommez une boisson alcoolisée. Vous laisserez donc passer le temps nécessaire avant de proposer la tétée à votre bébé.
Non. L’alcool ne s’élimine qu’avec le temps, grâce à la métabolisation par l’organisme maternel. Il ne sert à rien de tirer du lait et de le jeter, car cela ne change pas la durée d’élimination des molécules d’éthanol dans le lait maternel.
Oui, l’alcool influence la composition du lait maternel puisqu’il s’y retrouve. Le lait maternel alcoolisé possède une odeur différente(1), et sa consommation par le nourrisson implique un comportement inhabituel de l’enfant.
L’allaitement mixte peut être une solution pour espacer les tétées et permettre à bébé de ne pas ingérer d’alcool avec le lait maternel. Si vous ne pouvez pas ou ne voulez pas réduire votre consommation d’alcool, prenez conseil auprès d’un spécialiste de santé afin de déterminer quelle est l’option la plus indiquée pour vous et votre bébé.
La bière contient du malt, qui contient lui-même des polysaccharides. Ces substances pourraient améliorer la lactation, dans la mesure où elles stimulent la libération de prolactine, une hormone qui intervient dans la production du lait maternel. Cependant, aucune étude n’a pour le moment corroboré l’intérêt de boire de la bière pendant l’allaitement.
En dehors de l’éthanol, la bière contient des polyphénols et autres composants bénéfiques(14) à la santé humaine. Il est donc tout à fait possible de consommer de la bière sans alcool en allaitant, afin de ne pas prendre de risque inutile.
(1) The transfer of alcohol to human milk. Effects on flavor and the infant’s behavior : J A Mennella, G K Beauchamp, 1991. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1886634/
(2) Alcohol and breast feeding: calculation of time to zero level in milk : E Ho, A Collantes, B M Kapur, M Moretti, G Koren, 2001.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11585986/
(3) Effect of different doses of ethanol on the milk-ejecting reflex in lactating women : E Cobo, 1973.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/4688584/
(4) Alcohol in Breast Milk : Margaret E. Lawton, 1985.
https://obgyn.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1479-828X.1985.tb00609.x
(5) Food-induced lowering of blood-ethanol profiles and increased rate of elimination immediately after a meal : A W Jones, K A Jönsson, 1994.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8064267/
(6) The Transfer of Drugs and Therapeutics Into Human Breast Milk: An Update on Selected Topics : Hari Cheryl Sachs, COMMITTEE ON DRUGS, Daniel A. C. Frattarelli, Jeffrey L. Galinkin, Thomas P. Green, Timothy Johnson, Kathleen Neville, Ian M. Paul, John Van den Anker, 2013.
https://publications.aap.org/pediatrics/article/132/3/e796/31630/The-Transfer-of-Drugs-and-Therapeutics-Into-Human?autologincheck=redirected
(7) Regulation of Milk Intake After Exposure to Alcohol in Mothers’ Milk : Julie A. Mennella, 2010.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2802835/
(8) Sleep disturbances after acute exposure to alcohol in mothers’ milk : Julie A. Mennella and Pamela L. Garcia-Gomez, 2009.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2799509/
(9) Effects of exposure to alcohol in mother’s milk on infant sleep : J A Mennella, C J Gerrish, 1998.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9565435/
(10) Biphasic effects of moderate drinking on prolactin during lactation : Julie A. Mennella and Marta Yanina Pepino, 2009.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2588480/
(11) Alcohol and sleep I: effects on normal sleep : Irshaad O Ebrahim, Colin M Shapiro, Adrian J Williams, Peter B Fenwick, 2013.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23347102/
(12) Attachment Theory and Maternal Drug Addiction: The Contribution to Parenting Interventions : Micol Parolin and Alessandra Simonelli, 2016.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5004230/
(13) Alcohol : Centers of Disease Control and Prevention.
https://www.cdc.gov/breastfeeding/breastfeeding-special-circumstances/vaccinations-medications-drugs/alcohol.html
(14) Beer and its non-alcoholic compounds in health and disease : Ixchel Osorio-Paz, Regina Brunauer, Silvestre Alavez, 2019.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31782326/
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