Marathon de tirage de lait, tirage extrême de lait maternel : le power pumping n’a pas réellement d’équivalent français, mais les propositions de traduction littérale évoquent assez bien son principe de fonctionnement. Adressé aux mères qui souhaitent allaiter ou donner leur lait à leur bébé, le power pumping vise à stimuler la production de lait maternel en augmentant progressivement la quantité de lait fabriqué par la mère.
Le power pumping se destine par exemple aux mères de bébés nés prématurément, mais aussi à celles qui rencontrent des baisses de lactation ponctuelles pour l’une ou l’autre raison. Si le power pumping ne fonctionne pas systématiquement, il constitue une méthode non médicamenteuse qui vaut le coup d’être essayée pour produire davantage de lait, avant ou pendant l’allaitement.
C’est à Catherine Watson Genna que l’on doit cette méthode d’expression du lait maternel intensive. La conseillère en lactation américaine s’est notamment associée aux universités de Columbia et de Tel Aviv pour développer différentes méthodes d’accompagnement des mères allaitantes.
Le principe même du power pumping ne réside pas dans le fait de tirer de grandes quantités de lait maternel. D’ailleurs, les volumes recueillis peuvent être très infimes au départ. Le power pumping imite en fait les tétées du nourrisson, très régulières, dans le but de stimuler la production de lait ou de l’augmenter. Après une période de power pumping réussie, la mère produit normalement suffisamment de lait pour nourrir son enfant, quel que soit son âge.
La première indication au power pumping résulte de l’impossibilité d’allaiter chez les mères qui en ont émis le souhait. Cette situation se présente par exemple lorsque le nouveau-né naît trop tôt, que l’accouchement a lieu par césarienne ou que la mère et/ou le bébé est hospitalisé à la suite de la naissance.
Dans le cas des nouveau-nés prématurés, la possibilité d’offrir du lait maternel au sein ou au biberon est importante, voire vitale. Les nourrissons nés avant le terme qui bénéficient d’un allaitement ou d’une alimentation au lait maternel présentent une incidence réduite(1) d’infections nosocomiales et d’entérocolites. Cet aspect s’explique par la composition très riche du lait maternel, qui varie selon les besoins du bébé. Le lait maternel contient notamment des anticorps et des composants bénéfiques à la croissance de l’enfant. Mieux, le lait maternel d’une mère dont l’enfant né de façon prématuré s’avère plus riche en protéines impliquées dans l’immunité(2) que le lait d’une mère dont l’enfant naît à terme.
Or, les bébés prématurés nés avant 35 ou 36 semaines ont souvent du mal à se maintenir éveillé suffisamment longtemps pour téter. Ils présentent aussi des difficultés à coordonner la succion, la déglutition et la respiration nécessaires pour se nourrir au sein ou au biberon. La mère qui exprime son lait va alors pouvoir fournir cet aliment précieux au corps médical dans le but de le faire parvenir à l’enfant par sonde ou par seringue. Le power pumping aide à déclencher la montée de lait et à stimuler la production même en l’absence de succion par l’enfant.
L’autre intérêt de tirer le lait réside dans le fait de provoquer la production de lait et de l’amplifier. C’est particulièrement important pour les mères qui veulent allaiter leur bébé et ne peuvent pas le faire, car le fait de continuer à tirer du lait les encourage dans une démarche long-terme de soin envers leur enfant.
L’expression mécanique du lait(3) contribue à augmenter les taux d’ocytocine et de prolactine, qui favorisent la production et l’éjection du lait(4) durant l’allaitement. L’ocytocine est également corrélée à la création du lien affectif(5) avec l’enfant, ce qui peut aider la mère à établir un lien privilégié avec un bébé hospitalisé qu’elle ne peut pas porter ou voir souvent, le contact étant une autre façon d’améliorer la libération d’ocytocine.
Une naissance difficile, une hospitalisation du bébé à la naissance n’impliquent pas de renoncer à l’allaitement.
Le power pumping peut aider les mères qui le souhaitent à allaiter leur bébé prématuré.
D’une façon analogue à l’allaitement à la demande, le power pumping stimule la production de lait maternel grâce à la succion restituée par le tire-lait sur des fréquences régulières. Les nourrissons tètent en effet très fréquemment pour la plupart, toutes les heures ou toutes les deux heures. Le power pumping permet à l’organisme de se comporter comme si le bébé têtait de la sorte, ce qui est très important pour engendrer la montée de lait ou la hausse de production lactée.
Voici les étapes qui caractérisent une tétée classique, et la façon dont le power pumping permet de les reproduire.
Allaitement à la demande | Power Pumping | |
Première étape | Bébé tète le mamelon, ce qui induit l’envoi d’un signal nerveux au cerveau. | Le tire-lait reproduit la succion de l’enfant afin de permettre la transmission du message. |
Deuxième étape | L’hypothalamus libère de l’ocytocine dans le sang. | L’ocytocine est libérée dans le sang. |
Troisième étape | Les cellules musculaires des canaux lactifères se contractent pour éjecter le lait. | Le lait maternel est éjecté. |
Quatrième étape | Poussé par les contractions musculaires, le lait traverse les canaux lactifères et galactogènes et sort du mamelon : bébé le suce et avale le lait. | Le lait sort du mamelon et est récupéré dans le flacon ou le biberon. |
Cinquième étape | Bébé continue à téter, ce qui engendre une hausse de prolactine, impliquée dans la production de lait maternel. | Au fur et à mesure de la stimulation du sein, la prolactine est libérée avec pour effet la hausse de la production de lait. |
Sixième étape | Rassasié, bébé s’arrête de boire. Le corps libère de la dopamine, qui inhibe la prolactine et limite la production de lait. | À la fin de la session d’expression du lait, la dopamine interrompt la production de lait. |
Comme on le comprend à l’aide de ce tableau, c’est lorsque bébé tète ou que le tire-lait stimule le sein que la production de lait maternel est engendrée. Le but du power pumping consiste alors à rendre cette stimulation la plus régulière possible pour que la production de prolactine, donc de lait maternel, augmente sur la durée. En effet, il est prouvé que la stimulation fréquente du sein (par bébé ou par le tire-lait) combinée à un taux élevé de prolactine améliore la quantité de lait produite(6), ce qui est l’objectif in fine du power pumping.
Le power pumping est une pratique qui nécessite un engagement profond de la mère. Il est essentiel qu’elle comprenne l’intérêt de cette stimulation pour y adhérer et obtenir de bons résultats.
Cette étude(7) réalisée sur des dyades mère/bébé dont l’enfant hospitalisé était atteint de hernie diaphragmatique congénitale montre que le fait d’utiliser le lait tiré dans des soins oraux sur le nourrisson favorisait la poursuite de la stimulation de la production lactée par la mère. Concrètement, une petite partie du lait a été déposée dans la bouche des nourrissons afin de leur faire bénéficier du colostrum et de ses anticorps. La mère se sentant impliquée dans la santé de son enfant, malgré le sentiment d’impuissance souvent lié à l’hospitalisation, était alors plus encline à poursuivre le tirage intensif et régulier.
D’une manière plus générale, le soutien du corps médical et/ou d’un tiers reste un garant de la réussite du power pumping. Le père peut par exemple s’occuper du bébé, des autres enfants ou des tâches ménagères à ce moment-là afin que la mère se trouve dans de bonnes dispositions.
Sauf cas particuliers, comme un diabète gestationnel ou une grossesse gémellaire, il n’est pas indiqué de commencer le power pumping avant la naissance. Si bébé ne tète pas du tout, le tirage intensif peut être mis en place rapidement, dans l’heure après la césarienne ou l’accouchement. Il s’agit d’une période cruciale. Lorsque l’enfant naît avec un faible poids, le fait de tirer du lait dans l’heure suivant la naissance permet d’obtenir davantage de lait(8) par la suite que si l’expression du lait est initiée après une heure. La production de lait se met également en place plus rapidement.
Le power pumping peut aussi débuter à une autre période, dans le cas où l’enfant tète dès la naissance. Si la mère souhaite faire des réserves de lait et les conserver en prévision d’une absence, elle peut stimuler la production de lait par le power pumping pendant un ou deux jours, et tirer ensuite le lait excédentaire.
Il est indéniable que le power pumping nécessite une disponibilité de tous les instants de la part de la mère. Pour cette raison, il est assez difficile d’envisager la méthode sur le long terme. Les résultats s’obtiennent assez rapidement si le but est simplement d’augmenter la production de lait sur une courte période. Une ou deux journées ponctuelles de power pumping suffisent alors amplement.
Dans le cas où le bébé ne peut pas téter après sa naissance, il faut en revanche poursuivre le power pumping le temps nécessaire à l’instauration d’une production lactée suffisante. Celle-ci se vérifie après plusieurs jours, à la suite de la montée de lait.
Parmi les conseils les plus utiles pour rendre le power pumping efficace, il faut retenir les suivants.
Le corps intègre progressivement la routine, il va donc faciliter la production de lait sur les périodes horaires habituelles d’expression du lait maternel.
Cet appareil est souvent plus efficace qu’un tire-lait manuel. Il permet aussi de garder au moins une main libre, voire les deux avec l’utilisation d’un bustier.
L’usage d’un tire-lait double(9) permet d’obtenir davantage de lait, car le corps libère une quantité plus importante d’ocytocine, responsable de l’éjection du lait maternel. Le massage des seins(10) peut également permettre d’améliorer la production de lait pendant la procédure de tirage.
Le contact des mamelons avec le tire-lait toutes les heures peut occasionner des douleurs, et même des crevasses dans les cas où la téterelle n’est pas à la bonne taille. Il est donc important de régler l’intensité du tire-lait de façon que le lait soit exprimé sans douleur.
L’allaitement comme l’expression du lait induisent une soif plus importante. Pour conserver un bon apport hydrique, la mère peut garder une bouteille d’eau à côté de l’endroit où elle s’installe pour le power pumping.
Il faut des nutriments pour produire du lait. La période de power pumping est propice à adopter une alimentation riche et équilibrée. Les mères qui allaitent consomment en effet 300 à 400 kilocalories supplémentaires(11). Les menus de la journée devraient faire la part belle aux aliments riches en protéines, en calcium et en fer pour éviter toute carence.
Si la production lactée n’augmente pas rapidement, cela ne signifie pas que le power pumping a échoué. Il convient de rester patient, de persévérer et de ne pas focaliser sur les quantités de lait exprimées.
Plus d’un parent sur deux(12) présente des troubles du sommeil. Les mères de jeunes enfants sont particulièrement concernées. Or, la fatigue peut induire une baisse de la production lactée. Pour tirer parti du power pumping, la mère peut essayer de faire des siestes ou de solliciter son conjoint la nuit afin de pouvoir se reposer davantage.
Ce conseil pas toujours facile à suivre en tant que mère est pourtant l’un des plus importants. Bien que les études aient à priori démontré que le stress et la fatigue ne jouaient pas de rôle significatif(13) sur la production de lait maternel, ces résultats restent controversés car les hormones qui interviennent dans la lactation et l’éjection du lait sont partiellement conditionnées par l’humeur. Ce qui est certain, c’est qu’une condition de détente est toujours plus favorable au power pumping. La mère vit mieux cette situation très contraignante lorsqu’elle se sent détendue, qu’elle a pu prendre du temps pour elle.
La rapidité d’éjection du lait et la réaction des seins à la stimulation dépendent de chaque femme. Pour que le power pumping soit le plus efficace possible, la mère devrait donc tenir compte de ses propres réactions. Si elle constate que sa production augmente mieux avec des tirages très rapprochés sur une plage horaire restreinte, elle peut adopter ce rythme. Si au contraire ce qui lui convient mieux est de répartir les séances sur toute la journée, c’est une possibilité qu’elle doit pouvoir choisir.
En sachant que le stress psychologique de la mère et la sensation de douleur ont un effet négatif(14) sur la production de lait maternel, il devient évident que le power pumping devrait être pratiqué dans les meilleures conditions possibles.
Pour améliorer leur bien-être et leur détente pendant les nombreuses séances de tirage du lait, les mères peuvent par exemple :
– regarder la télévision, une série drôle ou une vidéo de leur bébé ;
– lire un livre ou un magazine ;
– écouter de la musique ou des podcasts ;
– jouer avec leur bébé ou le garder en peau-à-peau ;
– faire téter bébé à l’autre sein ;
– coudre, tricoter, dessiner ;
– jouer de la musique, chanter.
Toutes les activités en lien avec bébé vont agir comme un stimulant sur la production d’ocytocine, qui permet l’éjection du lait. Dès la naissance(15), le contact du nourrisson avec la mère induit une montée d’ocytocine qui favorise la production de lait. Mais les mères qui pratiquent le power pumping peuvent aussi avoir besoin de déconnecter, de se changer les idées lorsqu’elles tirent leur lait. À chacune de déterminer l’activité qui lui procure le plus de bien-être et lui permet de se ressourcer pendant ce petit moment de pause.
Les activités pratiquées lors du power pumping dépendent bien sûr des possibilités de la mère. L’usage d’un tire-lait qui libère les mains va permettre de pratiquer davantage d’activités. La présence d’un tiers avec bébé sera aussi prépondérante pour que la mère se détende, mais il est probable que certaines sessions d’expression du lait devront se faire avec bébé sous supervision. L’important est que le power pumping reste supportable, voire agréable, le temps pendant lequel il est pratiqué.
Selon l’âge de l’enfant et l’objectif de la mère, plusieurs programmes peuvent être adoptés.
Voici à quoi peut ressembler une journée de power pumping pour une mère qui souhaite stimuler sa production de lait sur un, deux ou trois jours.
8 h ou réveil | 10 à 30 minutes de tire-lait |
10h | 10 à 30 minutes de tire-lait |
11h | 10 à 30 minutes de tire-lait |
12h | 10 à 30 minutes de tire-lait |
14h | 10 à 30 minutes de tire-lait |
15h | 10 à 30 minutes de tire-lait |
16h | 10 à 30 minutes de tire-lait |
18h | 10 à 30 minutes de tire-lait |
19h | 10 à 30 minutes de tire-lait |
20h ou juste avant de dormir | 10 à 30 minutes de tire-lait |
Avec ce programme, le rythme habituel des nourrissons est reproduit grâce à une dizaine de tétées réparties sur la journée. Selon sa disponibilité, la mère peut rajouter ou enlever l’une ou l’autre session de tirage. Par exemple, le soir, les bébés prennent parfois des tétées groupées très rapprochées. La mère peut choisir de ne pas tirer son lait à ce moment afin de rester disponible, ou, si bébé ne tète pas, elle peut préférer condenser les tétées en fin de journée lorsque son partenaire ou un tiers est disponible pour garder l’enfant.
La nuit, il est inutile de tirer du lait : il est préférable de dormir et de récupérer de la fatigue, à moins que les seins ne soient vraiment tendus. Les premiers jours qui suivent la naissance, lorsque la montée de lait survient, il est souvent nécessaire de tirer du lait la nuit, à moins que bébé ne tète suffisamment à ce moment-là.
Voici un autre programme possible pour les mères qui viennent d’accoucher et veulent lancer très activement leur production de lait.
8 h ou réveil | 3 minutes de tire-lait tous les quarts d’heure |
10h | 5 minutes de tire-lait toutes les demi-heures |
11h | 20 minutes de tire-lait |
12h | 3 minutes de tire-lait tous les quarts d’heure |
13h | 5 minutes de tire-lait toutes les demi-heures |
14h | 20 minutes de tire-lait |
15h | 3 minutes de tire-lait tous les quarts d’heure |
16h | 5 minutes de tire-lait toutes les demi-heures |
17h | 20 minutes de tire-lait |
18h | 3 minutes de tire-lait tous les quarts d’heure |
19h | 5 minutes de tire-lait toutes les demi-heures |
20h | 20 minutes de tire-lait |
Il s’agit d’un programme modulable, destiné à être ajouté lorsque la mère le souhaite, en plus des tétées et séances habituelles, pour améliorer la production de lait futur.
Temps disponible | Fréquence des tirages |
2h | Alterner 5 minutes de tirage et 20 minutes de pause |
1h | Alterner 10 minutes de tirage et 10 minutes de pause |
30 minutes | Alterner 5 minutes de tirage et 5 minutes de pause |
https://www.cairn.info/revue-spirale-2003-3-page-15.htm
https://www.pediatr-neonatol.com/article/S1875-9572(14)00106-5/fulltext
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7406087/
https://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A227129&dswid=4847
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9216626/
https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1099800409331394
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25851118/
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2379986/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1721311/
https://enseignement.chusj.org/ENSEIGNEMENT/files/61/6149a3ae-64ff-47a7-a733-589b58aa125d.pdf
https://institut-sommeil-vigilance.org/le-sommeil-des-enfants-de-moins-de-10-ans-et-leurs-parents-enquete-insv-mgen/
https://www.stresshumain.ca/allaitement-y-a-t-il-un-lien-entre-le-stress-et-la-quantite-de-lait-disponible/
https://www.cairn.info/revue-spirale-2003-3-page-45.htm
https://www.cairn.info/revue-devenir-2010-4-page-321.htm
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