Aussi connu sous l’acronyme REF, le réflexe d’éjection fort fait partie des aspects souvent méconnus de l’allaitement. Il s’agit pourtant d’un mécanisme naturel qui touche certaines mères lors de la période post-natale. Lorsque le REF s’avère particulièrement fort, le flux de lait peut être difficile à gérer pour le bébé, et entraîner des problèmes qui pénalisent la bonne poursuite de l’allaitement.
Identifier le REF et adopter des stratégies pour le gérer constituent la conduite de base pour permettre un allaitement plus serein aux mères qui le souhaitent.
Le réflexe d’éjection est un mécanisme physiologique qui se met en place lors de l’allaitement maternel. Il contribue à acheminer le lait produit par la mère jusqu’au mamelon, afin que le bébé puisse s’en nourrir. Lorsque ce réflexe s’avère plus intense que la moyenne, il est nommé réflexe d’éjection fort, ou REF. La sortie du lait par le mamelon est alors plus puissante et plus rapide que la normale.
Certaines mères relatent un REF tel que le lait sort de lui-même du sein sans stimulation, et peut être éjecté à plusieurs mètres de distance.
Le réflexe d’éjection du lait maternel est mis en œuvre par plusieurs processus anatomiques, physiologiques et hormonaux.
Les glandes mammaires se composent de lobules, qui contiennent eux-mêmes des alvéoles. C’est dans cet endroit que le lait est produit et stocké. Les alvéoles sont entourées par des cellules musculaires lisses, les myoépithéliales. Ce sont ces dernières qui, en se contractant, expulsent le lait des alvéoles. Depuis les alvéoles, le lait maternel se déplace dans les canaux galactophores jusqu’au mamelon, où il est expulsé à travers les canaux lactifères.
Lorsque le bébé tète le sein, un signal est envoyé au cerveau du fait de la stimulation du mamelon. Les neurones activent alors les cellules musculaires lisses qui entourent les alvéoles. Le signal perçu par le cerveau est également transmis lorsque le mamelon est stimulé par la mère via un tire-lait ou lors d’une séance d’expression manuelle du lait.
La prolactine est libérée dans le sang dès la succion du sein par l’enfant. Elle s’avère responsable de la production et du maintien de l’approvisionnement en lait. Environ 30 minutes après le début de la tétée(1), elle atteint un pic puis régresse peu à peu pendant 3 heures. Cette hausse de prolactine permet de préparer la production du lait maternel pour la tétée suivante.
La production de prolactine est plus importante durant la période nocturne, l’allaitement du nourrisson la nuit s’avère donc particulièrement bénéfique au maintien de la production de lait maternel. De plus, la prolactine pourrait exercer un effet relaxant sur la mère, ce qui lui permettrait de mieux se reposer malgré les éveils provoqués par l’allaitement nocturne.
L’ocytocine, elle, a la charge de la contraction des cellules musculaires myoépithéliales et de l’éjection du lait par les canaux. C’est également la succion du mamelon qui provoque la libération hormonale dans le sang, laquelle induit la contraction musculaire depuis les alvéoles pour expulser le lait maternel. L’ocytocine décroit pendant les 30 premières minutes(2) de la tétée, ce qui contribue à amoindrir le réflexe d’éjection. Elle commence à remonter ensuite, favorisant une nouvelle expulsion du lait.
Les mères les plus susceptibles de développer un réflexe d’éjection plus fort que la moyenne sont :
– celles qui présentent une production importante de lait ;
– celles qui s’avèrent plus sensibles à l’ocytocine, l’hormone responsable de l’éjection du lait ;
– celles qui allaitent irrégulièrement et accumulent ainsi le lait dans leurs alvéoles ;
– celles qui, pour des raisons diverses, connaissent des réponses hormonales ou physiologiques plus fortes (stress, anxiété, dérèglement hormonal, etc.).
D’autre part, certaines femmes présentent un REF marqué en début d’allaitement, qui s’estompe ensuite à mesure que le corps s’adapte. D’autres constatent des fluctuations du REF en fonction de l’état émotionnel, de la fréquence des tétées, ou encore d’autres facteurs individuels.
L’ensemble des symptômes suivants est significatif d’un REF chez la mère qui allaite :
– le lait s’écoule rapidement dès le début de la tétée ;
– le lait est expulsé par jets, et le débit semble très important ;
– le bébé tousse, s’étrangle ou a du mal à respirer pendant la tétée ;
– le bébé se détache du mamelon pour reprendre son souffle ou parce que le débit du lait est ingérable pour lui ;
– le bébé semble très agité pendant l’allaitement ;
– l’un des seins ou parfois les deux présentent un engorgement ;
– le bébé produit des bruits de déglutition très sonores et précipités ;
– le bébé prend difficilement du poids à cause de l’allaitement laborieux et du manque de graisses, disponibles à la fin de la tétée.
La mère peut aussi identifier la venue d’un REF par une sensation de picotement, de chaleur dans le sein, une tension ou une légère douleur.
Le corps médical ne connaît pas les raisons précises de toutes les situations de REF. Cependant, il semble que certaines causes puissent expliquer la présence d’un réflexe d’éjection plus fort que la moyenne.
La surproduction de lait maternel est une première explication possible du REF. Lorsque la production est supérieure aux besoins de bébé, les alvéoles sont très remplies et les contractions des cellules musculaires pour expulser le lait peuvent occasionner un débit très intense. Une surproduction de lait survient parfois lors de la montée de lait, mais aussi en dehors de cette période en cas d’allaitement mixte, de variations hormonales, de spécificités génétiques ou physiologiques.
L’accumulation de lait maternel dans le sein conduit éventuellement à un REF, ce qui est le cas lors d’un allaitement irrégulier, d’un sevrage ou d’un espacement trop important des tétées.
La sensibilité hormonale à l’ocytocine varie d’une femme à l’autre. Celles qui se montrent plus sensibles peuvent avoir une éjection plus forte de lait maternel, car le message hormonal transmis aux muscles entourant les alvéoles est interprété avec davantage de puissance.
Il est également possible que des facteurs psychologiques et émotionnels influencent l’importance du REF.
Le réflexe d’éjection fort est différent de l’hyperlactation : il est possible d’avoir un REF malgré une faible lactation.
Outre les difficultés à téter, le bébé exposé au REF est susceptible de rencontrer plusieurs problématiques.
En ingérant de l’air lorsqu’il essaie de suivre le débit rapide du lait, le bébé peut souffrir de coliques, de gaz et d’inconfort digestif. L’augmentation importante du volume de l’estomac sous l’afflux du lait et de l’air peut aussi entraîner ou aggraver un reflux gastro-œsophagien dit RGO.
Lorsque le bébé consomme du lait maternel avec un débit important, il est vite rassasié. Or, le lait de début de tétée est plus aqueux et moins riche en graisse que le lait de fin de tétée. Cela peut donc occasionner un déséquilibre alimentaire qui se constate au niveau des selles. Ces dernières sont vertes, à cause du lactose très présent en début de tétée et difficile à digérer. Elles peuvent être mousseuses, présenter du mucus ou une odeur forte et aigre.
Les bébés exposés au REF souffrent davantage de nausées et d’agitation pendant ou après la tétée. Ils prennent parfois du poids trop rapidement, ou au contraire, n’en prennent pas assez vite. L’allaitement dans sa globalité étant perturbé, la croissance n’est pas aussi harmonieuse qu’elle devrait l’être.
Il existe plusieurs techniques pour éviter ou limiter les conséquences du REF pendant l’allaitement.
Dans la mesure où le REF s’avère plus intense lorsque les alvéoles qui contiennent le lait sont bien remplies, il est intéressant, pour limiter le débit du lait, de vider légèrement le sein avant de le proposer à bébé. La mère peut par exemple extraire un peu de son lait dans un gobelet à la main, ou utiliser un tire-lait. L’idée n’est pas de recueillir du lait, mais simplement d’évacuer le trop-plein des alvéoles pour que le débit se régule.
Les tétées rapprochées permettent également d’éviter une situation d’engorgement propice à augmenter le REF. Dans le cadre de l’allaitement à la demande, bébé prend le sein dès qu’il en exprime le besoin. La production de lait maternel se cale alors rapidement sur les besoins réels de l’enfant, ce qui évite la surproduction.
Certaines positions d’allaitement s’avèrent plus confortables pour le bébé, notamment celles qui placent la tête de bébé en hauteur par rapport au mamelon. Ainsi, le lait subit l’effet de pesanteur et le jet perd de son intensité avant d’arriver dans la bouche de bébé.
La position la plus facile à prendre est celle où la mère se trouve assise, semi-inclinée vers l’arrière (sur un fauteuil réglable ou sur des coussins). Bébé est placé à plat ventre sur elle, et saisit donc le mamelon par le haut. Il peut plus facilement dégager sa tête au besoin, lorsque le REF est trop fort. La position en ballon de rugby aide aussi la mère à mieux identifier les difficultés du bébé et à ôter son sein lorsque l’enfant ne parvient pas à téter correctement.
L’observation de l’enfant qui se nourrit favorise la mise en place rapide d’accommodations pour soulager l’inconfort des tétées. Au fil des expérimentations, la mère adoptera les techniques qui lui semblent le mieux convenir en fonction des réactions de son enfant. Elle va notamment relever bébé pour lui faire faire un rot lorsqu’elle constate qu’il est mal à l’aise, et le laisser gérer la tétée à sa façon en fonction de son âge.
Lorsque le REF est lié à une surproduction de lait, certains réflexes vont aider à limiter le surplus de lait maternel dans les glandes.
La mère peut commencer par limiter ou éliminer les aliments galactogènes de son alimentation. Les principaux aliments susceptibles d’influencer positivement la production de lait maternel sont :
– le fenugrec, dont l’effet galactogène contre placebo, en association avec d’autres herbes, est prouvé(3) ;
– l’ortie ;
– les graines de cumin, de sésame et de carvi ;
– les flocons d’avoine ;
– le quinoa ;
– les feuilles de framboisier ;
– l’eau de noix de coco ;
– l’anis ;
– le malt d’orge.
Lorsque la mère tire régulièrement son lait en plus des tétées, ou qu’elle extrait du lait à la main, le mamelon stimulé induit l’envoi d’un message hormonal qui va conduire à une production plus importante de lait maternel.
Pour éviter cette surproduction, il est préférable de réserver la stimulation des seins à la tétée à la demande, sans ajouter de tirage de lait. Les coquilles d’allaitement et les vêtements serrés au niveau de la poitrine peuvent frotter sur le mamelon et augmenter la production de lait maternel. La mère portera alors de préférence des vêtements plus amples, et glissera si besoin des coussinets d’allaitement dans son soutien-gorge.
Pour les mères qui souhaitent diminuer leur production de lait, voici quelques possibilités :
– espacer progressivement les tétées en essayant de répondre aux besoins de bébé autrement (un câlin s’il doit être rassuré, le porter s’il a besoin de contact, lui donner un bain s’il semble inconfortable, etc.) ;
– appliquer une pression douce sur le sein avant ou pendant la tétée pour limiter la production de lait maternel et résoudre un éventuel début d’engorgement ;
– porter un soutien-gorge soutenant et ajusté qui comprime légèrement la poitrine et limite l’expansion des alvéoles mammaires ;
– appliquer des compresses froides dans un tissu sur la poitrine après les tétées.
Retrouvez ici toutes les questions fréquentes que se posent les mamans au sujet du réflexe d’éjection fort.
Le réflexe d’éjection dépend de la libération d’ocytocine pendant la tétée. Il dure généralement quelques secondes ou quelques minutes, et peut survenir plusieurs fois au cours d’une même tétée chez certaines femmes, notamment si bébé tète longtemps.
Le REF tend à se calmer au fur et à mesure des semaines qui suivent le début de l’allaitement. Lorsque la production de lait maternel est bien calquée sur les besoins de l’enfant, il se résout la plupart du temps tout seul.
Il n’y a aucun problème pour tirer du lait manuellement ou avec un tire-lait en cas de REF. Au contraire, les séances d’expression sont généralement assez efficaces puisque le lait sort rapidement du sein. Si votre deuxième sein coule pendant que vous tirez le lait du premier, comprimer légèrement en attendant de changer de côté ou placez un recueil lait sur le sein pour récupérer le lait.
En revanche, le fait d’exprimer du lait contribue à augmenter la quantité de lait produit. Si ce n’est pas votre objectif, il est peut-être préférable d’éviter de tirer du lait en grand volume ou à fréquence élevée.
Non, le REF n’est généralement pas douloureux. D’ailleurs, il est rare qu’il procure une sensation franche : il ressemble plutôt à un petit picotement ou à une légère chaleur dans le mamelon, annonciatrice de l’éjection du lait par les canaux lactifères.
Si une douleur apparaît pendant la tétée, vérifiez que vous n’êtes pas en situation d’engorgement, de mastite ou de candidose mammaire. La posture de bébé devrait également être ajustée pour limiter l’apparition d’éventuelles crevasses.
Les raisons qui expliquent que votre bébé souffre de gaz à cause du REF sont les suivantes :
– le débit du lait étant trop fort, bébé ingère de l’air pendant la tétée ce qui lui occasionne des ballonnements ;
– le lait de début de tétée étant aqueux et riche en lactose, il induit une digestion plus difficile lorsqu’il est consommé en grande quantité et que bébé est repu avant de bénéficier du lait riche en graisses, ce qui induit des troubles digestifs comme des gaz et des selles de couleur verte.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK148970/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2767206/
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21261516/
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